Le maître d’hôtel, un extra à ses côtés, un jeune homme aux cheveux blonds, sont deux bras ballants face au comportement du vieux Lord. Il se contente d’éclater d’un rire franc. Busted. Fletcher père consent à te suivre auprès de ses propres géniteurs. C’est dommage, tu aurais bien aimé excuser l’attitude de ton papa auprès du garçon aux yeux clairs. Tu as capté le regard du simple employé, ennuyé de voir les membres de ta famille tenir tant que ça à se ridiculiser. Il n’avait pas relevé, cependant, te donnant l’impression d’être très concentré, il porte sur lui l’envie de bien faire et de faire bonne impression. Pourquoi pas lui suggérer un rafraîchissement en fin de soirée ?
Traînant l’ancêtre par le bras, tu ressors dans les jardins et jettes en pâture au malotru à ses détracteurs. Tu surprends un inconnu, brun, rôder autour des flûtes de mimosa. Sans aucune arrière-pensée, tu lui dis comme vient : « J’adore ça, mais c’est vraiment un alcool de ieuv. » Accompagné d’un sourire affable, tu poursuis. « La soirée va tout juste commencer, rentre plutôt et va voir au comptoir s’il y pas un truc qui t’inspire plus ! » De plus belle, tes traits amusés, presque un brin charmeurs, s’illuminent d’une douce candeur.
Reprenant ta marche en direction des grilles, toujours dans l’attente de repérer d’autres convives de ce soir, tu reconnais la tignasse de Zacchary au bord d’une piscine à balles. Te sentant l’âme filoute, tu avances sans un bruit en direction du bambin ingénu. Tu te jettes parmi les sphères plastiques, en éclatant d’un « BOUH !! » Tonitruant. Le sursaut de l’enfant t’arrache un rire espiègle. Ce qu’il ne faut pas inventer pour assouvir tes pulsions, sous le regard courroucé de tes aïeux. Du bras, tu te raccroches au boudin et invites l’enfant du porte-clef à te rejoindre. Il ne lui faut pas plus de quelques secondes, pour que tu le perdes complètement de vu dans cet environnement trompeur. C’est à son tour de te surprendre, le coup de l’arroseur arrosé, un classique. Il grimpe sur ton dos crédule, triomphal.
Rapidement, tu l’aides à se trouver des camarades de jeux de son âge, faisant volontiers le guignol pour arriver à tes fins. Avant de le quitter, tu lui demandes de bien vouloir te pointer son père du doigt, ce qu’il fait sans broncher. Ressortant de là, allégé par la teneur de tes interactions, tu t’approches du paternel pour le saluer convenablement. « Heureux de vous voir ici, j’avais peur que ce genre de réception, en grande pompe ne vous rebute complètement… N’hésitez pas à en profiter aussi longtemps que vous le souhaitez, mais bien sûr, sachez que nous comprenons parfaitement si vous jugez nécessaire de vous rentrer. » Tu contemples tristement la possibilité, non-négligeable, de voir l’un des rares visages familiers, plus ou moins ami, quitter la soirée. « Mais sachez que du personnel a été dépêché pour se charger de la surveillance des jolies têtes blondes, ils sont chaperonnés par ma propre nourrice ! » Tu déclames cela, comme le gage absolu d’une qualité indéniable.
La course du Soleil dans le ciel continue inlassablement et trouvera, dans quelques dizaines de minutes, son terme. Lady Fletcher t’enjoint d’un hochement de tête à aller te changer pour la cérémonie d’ouverture. Respectueusement, tu opines du chef et t’exécutes, sans broncher. En ton absence, le monde afflux de plus belle, tandis que tu revêts une tenue plus à propos. Sans prêter attention au présent d’Hayden, tu lui sautes au cou, dans une étreinte fraternelle et un certain soulagement. « Tu es là… » Indolent, tu te retires et retires ton casque anti-bruit, afin de l’écouter te causer, un peu. Machinalement, tu déballes son cadeau et l’accroches mécaniquement à ton poignet, tu regardes à quel point il s’accorde à ta tenue… Ouais, c’est parfait.
« Têtus, c’est un doux euphémisme. » Railleur, tu lui lances un coup d’œil complice. « Je vais faire de mon mieux, mais j’ai l’impression que je vais exploser… Ça ira déjà mieux quand j’aurais le premier discours derrière-moi. Pour le second, les invités seront tous plus ou moins avinés. » Tu glousses, non sans relire une dernière fois tes cartons, qui t’auront suivi jusque dans ta chambre, quelques minutes avant le moment clef. Tu emboîtes le pas à l’agent du BUR, mais rapidement, vos chemins se quittent, toi qui rejoins l’estrade, fin prête, dans la salle de réception ou se tient le comptoir de mixologie.
L’heure du thé est belle est bien passée, lentement, le soleil vient lécher l’horizon, comme pour sonner ton glas. Tu prends place sur la scène et au micro, on demande pour toi l’attention des invités présents. Tu délivres, alors, ton discours.
« Chers Inconnus, amis, membres de la famille, mais surtout membres de la meute,
Je tiens, tout d’abord, à vous remercier, tous, d'être ici présents aujourd'hui, afin de célébrer avec moi cette étape importante de ma vie. Aujourd'hui, alors que je franchis le seuil fatidique de mes 22 ans, j’amorce avant tout, en votre noble compagnie, mes premiers pas en tant que Loup-Garou au sein de notre Marylebone. C’est pour moi un très grand honneur et une immense fierté, dont je saurais me montrer digne.
J'ai l'impression, qu’hier encore, j'avais 10 tout juste et rêvais déjà de cet instant précis, me demandant à quoi mes vingt ans pourraient bien ressembler. Ce soir, je me tiens devant vous et puis vous affirmer que cela est encore plus beaux que dans mes songes d’enfants. Me savoir, désormais, affilié à toutes ces éminentes figures, par un lien qui transcende de loin celui du sang, jamais je n’aurais imaginé plus grande joie.
Du haut de ma vingtaine, donc, je m’efforcerais de préserver l’héritage d’excellence duquel j’ai eus le privilège d’être issu, et ce, comme je l’ai toujours fait. Si arracher titres et concours, médailles et trophées n’auront été qu’une maigre contribution d’enfant, c’est en jeune homme que j’ai intégré cette année le second cycle de médecine au King's College de Londres, afin d’au mieux faire resplendir le nom qui m’a été légué et celui de la meute. J’envisage sincèrement de faire de la neurochirurgie ma spécialité, fusse mes résultats méritants – croyez-moi, ils le sont.
En regardant en arrière, je suis reconnaissant pour les leçons que j'ai apprises et pour les personnes qui ont façonné la personne que je suis aujourd'hui. Je tiens à nouveau à vous remercier, vous qui êtes ici, d'avoir fait partie de mon voyage jusqu'à présent. Votre soutien et votre affection ont été d'une importance capitale pour moi. Je ne serais rien sans vous.
Alors, à vous tous, je propose un toast. À vous, qui avez rendu ces 20 années si spéciales. À la décennie passée et à celle à venir. À l'amitié, à la famille, à la meute de Marylebone et à l'avenir. Merci à tous d'être là pour partager cet anniversaire, si singulier, avec moi.
Santé ! »
Galvanisé par ta propre allocution, tu lèves bien haut une coupe de champagne qui t’auras été tendue. Le soleil est maintenant couché, tu auras pu le voir disparaître, complètement avalé par la Terre.