Le mérite d’avoir atteint sa cible. C’est ce que Scott a ressenti, avant que le coup de l’atteigne. Une certaine satisfaction de sale gosse d’avoir trouvé où ça pique, mais surtout, de réaliser qu’il n’était pas le seul à souffrir d’une situation similaire. Qu’il n’était pas le seul à avoir une plaie qui avait du mal à se refermer, qui suintait encore parfois. Malgré toute la bienveillance et l’amour qu’il pouvait recevoir, malgré les corps qui s’emmêlaient, malgré l’attachement. Ce ne sera jamais pareil, et pour cause, rien ne se passe deux fois de la même manière. Scott aura beau vouloir retomber amoureux, il ne tombera pas amoureux de la même manière. Il aimera différemment, tout aussi intensément, mais il ne pourra jamais refaire ces moments, ces sourires, ces émotions perdues et parties avec elle.
A demi-conscient, se tenant à la table, les yeux fermés. Il entendait les dernières paroles du médecin, qui s’en allait promptement. Sans se retourner, comme beaucoup avant lui. Scott savait que son cas n’était pas à prendre, ni à la légère ni avec une volonté de le sauver. Il n’était pas à sauver, non. Il se sauvait lui-même, en se confrontant à la douleur de la vérité. Après l’avoir fui si longtemps, il sombrait dans l’inconscience avant qu’on ne vienne le récupérer. Et s’il pouvait parler, il l’aurait remercié. Remercié de lui avoir permis de fermer les yeux et se reposer, ne serait-ce que quelques heures.
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Elle était belle. Puissante. Eclairant le parking de l’hôpital. C’était la pleine lune, ce soir. Scott était en service auprès de sa meute, pour surveiller les environs. C’était naturellement qu’il s’était posté près de l’hopital. «Naturellement», hein. Voilà près de deux semaines que l’altercation avec Harper s’était passées. Deux semaines où il avait hésité à revenir (de jour, stupid man), avant de réaliser que c’était surement la nuit qu’il aurait plus de chances de le croiser. Il voulait s’excuser. De son comportement, totalement déplacé. Maintenant qu’il avait retrouvé ses esprits, légèrement, malgré la peine qui n’était pas partie, tout était allé trop loin. Même pour lui. Il ne sait pas pourquoi il avait autant cherché (si, il le sait), ni pourquoi il avait choisi ce lieu pour faire sa ronde. Quand bien même ce serait le cas, que pourrait-il faire ? Il savait gérer ceux de sa meute, mais un vampire, un inconnu, un homme qui lui avait sauvé la vie ? Il en était incapable. S’excuser ne suffirait pas. C’était la conclusion qui l’avait retenu si longtemps.
Alors, marchant vers les urgences, il se stoppa devant l’entrée. Avant de réaliser que s’il était en service, il serait surement occupé. Occupé à autre chose que de lui accorder du temps. Ce qui était purement logique, et naturel. Alors, il alla à la réception des urgences et posa ce qu’il avait dans les mains, précisant à la réceptionniste pour qui c’était, quand elle pourrait. Et voudrait, et qu’importe au final si cela n’arrivait jamais.
Scott parti ensuite, comme il était revenu. Terminant sa ronde en observant parfois les urgences. Comme s’il espérait une réaction. Alors, que c’était purement stupide. Tout comme ce bouquet de fleurs et l’inscription noté «Je m’excuse. Scott.» Il rentra chez lui au lever du jour pour rejoindre son fils.
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Une matinée pluvieuse, et un ballon qui s’échappe du jardin des voisins. Des gamins qui tenaient à jouer dehors, malgré la boue, et Scott dévoué à les surveiller pendant que le reste des adultes buvaient et riaient à l’intérieur. La journée passe. Toujours aussi pluvieuse, le temps est gris et on voit à peine devant soit. Le ballon s’envole loin en fin d’aprés-midi, mais il faut coucher les petits. Tout le monde boit, fait la fête, et pourtant Scott, ne boit pas. Il regarde pendant un moment ce ballon rouler sur la route voisine, puis se dévoue sur les coups de vingt-et-une heure, à aller chercher ce ballon. La pluie s’intensifie. On ne voit pas à cinq mètres. Scott se penche pour ramasser le ballon, tel un gamin qui aurait traversé la route sans regarder. Il redresse le regard vers les phares qu’il distingue à peine dans la ruelle. Et au loin, l’hopital. Il repose le ballon dans le jardin, et se met à marcher les mains dans les poches vers les urgences. Son gamin est en sécurité, et personne ne cherchera un adulte qui est en pleine possession de ses moyens. Il repasse devant les urgences.
Et ce cinéma, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il fasse nuit ou jour, ça lui prend. De plus en plus souvent.
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Scott est fatigué. Il sort du boulot. Exténué, mais il doit aller chercher le gamin à l’école. Il fait un détour pour passer par les urgences. Ca le rallonge de dix minutes, mais il était toujours en avance de toute façon. C’est une habitude qu’il a prit depuis une semaine ou deux peut-être. Ou trois. Il ne sait plus la raison de ses actes, ni pourquoi il le fait. Peut-être est-ce tout simplement le processus de deuil, de revenir sur les lieux qui le hantaient. C’est même thérapeutique. Il ne voit plus son visage, n’entend plus les sirènes de ce même son, et les murs ne lui paraissent plus aussi blancs. Jusqu’à aujourd’hui.
Scott est figé devant cette ambulance qui vient d’arrivée et dont une civière en sort. Occupée. Il serre la machoire, et se crispe. Son souffle lui manque brutalement. Il pensait pourtant avoir réussi à atteindre un stade où cela ne lui ferait plus rien de revoir une scène similaire. Il pensait avoir surmonté quelque chose, mais n’était-ce simplement qu’une façade ? Enfouie quelque part ? Il manque de souffle. Il s’assied un peu plus loin, fixe le ciel et a l’impression de crever tellement ses poumons se compressent. Les larmes montent aux yeux alors qu’il est simplement en train de faire une putain de crise d’angoisse sur ce bout de mur. C’est donc ainsi qu’il pourrait mourir, charmant. Il s’accroupit, tenant son torse, se disant sûrement que l’air est mieux près du sol. Les larmes tombent seules, et les tremblements cessent.
Pleurer, depuis combien de temps ne l’avait-il pas fait. Depuis combien de temps se retenait-il ainsi. C’était libérateur, et étouffant. Il s’étouffait, littéralement de sa peine. Mourir ici n’était pourtant pas une option, mais la voilà présente maintenant. Son corps suffoquait, manquant d’oxygène, il geint. La vue troublée.