Il me semble que les années à venir seront semblables à celles qui les ont précédées. | |
On l'avait lâchée là vers 22h, pas seule bien entendu, simplement ses compagnons d'infortune écartés d'elle, mais suffisamment peu pour que leur présence soit palpable. Elle se gèle, non pas qu'il fasse particulièrement froid, mais sa tenue un peu trop légère et ses jambes presque nues simplement recouvertes de bas sombres transparents et d'une jupe. Elle pianote sur son téléphone jetable une cigarette allumée dans son autre main. Difficile à dire si la demoiselle est simplement dans l'attente d'un rendez-vous, en train de racoler ou simplement de dealer, surtout si on ne la connaît pas d'autant que ça faisait un certain temps qu'on l'avait pas aperçue par ici. Et si elle semble sereine, ce n'est qu'une apparence qu'un œil avisé saura percer à jour, elle est davantage la biche aux abois que la créature féline qu'elle pouvait être en temps normal. Quelqu'un s'approche et elle fourre son téléphone dans la poche externe de son blouson, elle ne semble pas vraiment être ravie d'être ici. « Bonsoir. » Ses yeux gris glissent sur sa cible, n'affichant aucune émotion particulière, dévisageant ce qui lui semblait être un malheureux camé qui aurait pu sans difficulté lui tirer quelques émotions larmoyantes, mais il empeste la misère et elle ne donne pas dans le bénévolat. Action qui serait de toute manière sévèrement punie. « Si tu as de quoi payer. » Même si pour elle l'évidence est d'une banalité crasse, il n'a rien sur lui, la suite dépendra de quelle valeur il donne à sa dignité et de ce qu'il est prêt à faire pour sa dose. Puis elle se tourne en rallumant sa cigarette, le sous-entendu est limpide, qu'il ne s'amuse pas à lui faire perdre son temps même si elle n'a rien d'autre à faire. En dépit de ses airs de princesse échappée d'un conte de fée, elle n'est pas connue pour faire cas de beaucoup de moralité, ce n'était pas elle qui avait refroidi récemment un pauvre gars au point qu'il soit méconnaissable ? En tout cas cela explique sa disparition des radars et pourquoi elle se retrouve à faire le planton au milieu de la nuit, son patron n'avait pas du beaucoup apprécier ce petit écart pour qu'elle soit de nouveau et au sens propre sur le trottoir. |
Il me semble que les années à venir seront semblables à celles qui les ont précédées. | |
Sa sentence tombe comme un couperet sur leur conversation. « ça ne va pas suffire. » Elle dit cela sans émotion particulière, simplement sur le ton de la constatation, Elle reprend la parole, semble ennuyée, réfléchissant à quelque chose qui pourrait satisfaire les deux partis. « Il y a un camé qui me doit du fric à l'angle de la rue, tu n'auras qu'à te servir et ça pourrait bien lui sauver la vie si tu y arrives. » Ce sera sa seule offre, elle ne fait pas de l'humanitaire, il pourrait aussi essayer de se battre, mais les dealers sont toujours solidement armé et rarement seuls et puis elle est un vampire et son état sue par tous les pores de sa peau, aussi sûrement que la misère de l'homme. Brannon soupire et laisse la fumée bleutée de sa cigarette s'échapper de ses lèvres, la menace est assez limpide, il peut tenter sa chance, obtenir sa dose contre un petit effort, possiblement sauver une vie ou repartir la queue entre les jambes. Ce n'est pas qu'elle n'a pas de pitié, c'est simplement qu'elle est dans une merde sombre et qu'elle n'a pas d'empathie à offrir à qui que ce soit. Quant à l'abruti qui lui devait de l'argent, elle le tuerait sans doute, il n'est jamais bon de devoir quoi que ce soit à la pègre. Mais elle sait qu'elle n'a pas affaire avec une mauvaise personne, les gens sont rarement près à accepter ces petits arrangements sous le manteau, mais elle ne peut pas presser ce malheureux jusqu'à ce qu'il chie des billets et puis il n'est pas si laid, il lui restait toujours la possibilité de se vendre. Et pour elle la dignité ne vaut que le prix qu'on est prêt à lui donner et le sien est de quatre-vingts livres l'heure. La liberté et la vie n'ont guère plus de valeur à ses yeux. |
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