Éveillé, la nuit, le jour, tu peux évoquer avec humour les parts les plus sombres de ton passé, si tu te dois les aborder tout court. Dans ton sommeil, la réalité te rattrape, mais tu y es complètement sourd. Tu sais que tu dors très mal, tu te réveilles parfois plus tendu et éreinté que la veille. C’est à ce demander si tu ne devrais pas juste complètement renoncer aux bras de Morphée. La seule stratégie que tu auras mise au point est de travailler jusqu’à l'épuisement. Ça à l’avantage, penses-tu, de détraquer suffisamment ton cerveau pour qu’il ne parvienne pas à prendre possession de ton corps en ton absence.
Il y a pourtant des nuits, comme celle-ci, où tu auras beau tout faire, ton esprit tourmenté ne saura pas trouver la trêve qu’il mérite dans l’inconscience. Recroquevillé sur toi-même, dans des draps mouillés de ta sueur, tu gémis, baragouine dans ta langue natale. « なぜ私を見捨てたのですか » De petites perles naissent aux coins de tes yeux, qui viennent ruisseler silencieusement sur tes joues rougies. « いいえ.. » Tu sembles retenir quelqu’un de la main, en vain. Un nouveau tableau se joue, au-delà de la colère, du déchirement d’un départ, tu t’emportes. « 私は行きたくありません。いいえ!»
Tu pantèles, tes yeux fuient sous tes paupières folles. Ton corps se tord, tu te retournes plusieurs fois, sous différents angles, tes muscles bandés, prêts à exploser. La colère, la rage s’empare de toi, tu t’indignes dans une autre langue, sur d’autres terres, en songe. « Не трогайте меня ! » Le souvenir de la faim t'anime, les larmes sur ton visage sèchent bien vite. « Да, я монстр. Не подходи ближе. » Tu as l’air d’en vouloir à la terre entière, un sourire assassin illumine ton visage d’une clarté qu’il vaudrait mieux ne jamais raviver. « Я убью тебя. » Tu tressailles au contact de celui qui aura partagé ta couche.
Sa voix, au fur et à mesure, te ramène, tu agrippes à lui comme à une bouée de sauvetage, tu ne sais plus le lâcher et délivre un dernier trait, somnolent. « Shinitakunai.. » Tu termines de prononcer ces quelques mots en ouvrant les yeux, les cheveux collés à ton front humide, tu n’es pas beau à regarder. Dans l’incompréhension la plus totale, tu ne comprends pas pourquoi tu trouves ton amant penché sur toi, une main perdu dans tes cheveux. « Qu’est-ce qu’il se passe ?.. » Tu te frottes machinalement les yeux, découvrant que tu avais pleuré, ça t’arrivais pourtant moins fréquemment, ces derniers temps.
« Je t’ai réveillé ?.. » Tu lui tends un regard complètement désolé, un hoquet à l’air de l'embêter. Toujours à demi errant, entre rêve dont tu ne conservais aucun souvenir et morose réalité, tu le tires par ce poignet que tu gardes fermement entre tes doigts et découvre tes crocs, dans un sourire exagéré. « Bouh. » Finalement, tu embrasses son menton en fermant les yeux, retenant un soupir désabusé. Pourquoi fallait-il que ça arrive même à ses côtés ?.. « Désolé, Cal.. »