Décrire le caractère de Gilly en quelques mots, Malavina en est bien incapable. Sa mère aussi, d’ailleurs, si elle en croit ce qu’elle entend. Un sourire amer tord ses lèvres lorsque leur très chère mère se met à diverger et à trouver les pires défauts de son fils, quand bien même il s’agit de qualités aux yeux d’Ina.

Il a toujours été protecteur et aimant. Gilly est comme un plaid sur les épaules en plein hiver : réconfortant et essentiel. Il sait être doux et compréhensif, avec son petit grain de chaos qui rend une discussion avec lui si vite passionnante qu’elle en oublie ses soucis.

Gilly saute du coq à l’âne, se perd dans ses arguments, rebondi sur quelque chose dit dix minutes auparavant, part sur un sujet complètement différent avec des grimaces si vivantes qu’elles font tout son charme. Son ainé est une pile qui peine à se décharger de toute son énergie, aussi il a du mal à tenir en place et il a l’attention d’un gamin de dix ans s’il ne fait pas d’efforts.

Pourtant, il peut aussi devenir un homme tout à fait différent quand la situation l’exige, plein d’un calme et d’un sang-froid impressionnant, comme si Gilly mobilise son peu de concentration pour ces instants si cruciaux qui permettent de sauver des vies. Lorsqu’elle est tombée du toit de leur maison d’enfance, c’est lui qui l’a prise en charge, qui l’a mise en position latérale de sécurité, qui l’a rassurée tout en appelant les secours.

Ina n’a pas peur, quand Gilly est à ses côtés, quand bien même il lui rappelle un chiot à bien des égards.

Bien évidemment, son frère n’est pas parfait. Il est inconstant dans ses goûts et ses humeurs, peut être véritablement infecte lorsqu’une personne ne lui revient pas – ou que la dite personne l’appelle par son prénom entier exprès, leurs cousins le savent bien – et donne parfois l’impression qu’il n’est pas adapté aux conventions sociales.

Ina sait qu’il s’en fiche et qu’il se sert de la réaction des gens à son égard pour les trier et savoir qui garder près de lui et qui éviter. Gilly est trop obstiné pour se forcer à se conformer à des règles qui ne lui plaisent pas, d’autant plus si cela ferait plaisir à leur mère. Cependant, cela le pousse parfois à une solitude qui lui pèse, même si son frère ne le lui avouera jamais pour ne pas l’inquiéter.

Gilly est une étoile qui illumine et réchauffe la vie de ceux qu’il croise, mais qui brûle désespérément seule.


Protecteur ✻ Doux ✻ Professionnel ✻ Solaire ✻ Loyal jusqu'à la mort ✻ Capable de garder son sang-froid dans les pires situations ✻ Hyperactif ✻ Saute du coq à l'âne ✻ Lunatique ✻ Rancunier ✻ Anti-conformiste ✻ Solitaire

— Je suis désolée, je n’ai pas pu l’arrêter…

— Ina, même un éléphant en pleine course n’arrêterait pas Mère, ne t’en veux pas pour ça.

Gil soupire en voyant le compte que sa mère lui a créé sur un site de rencontres. Il tord sa bouche en voyant l’étiquette hétérosexuel, avant de lever les yeux au ciel. Au moins, sa sœur a protégé son secret, mais cela l’agace au plus au point d’être ainsi catégorisé. Pourquoi l’amour devrait avoir un sexe, après tout ? Si Dieu était aussi tolérant que sa mère le disait, alors il devrait s’en réjouir plutôt que de les condamner.

— T’as laissé vide pratiquement toute la page, remarque-t-il.

— J’ai pas réussi. Tu aurais préféré que Mère le remplisse ?

— Oh, tu as vu que Vice-Versa 2 va sortir cette année, au fait ?

— Gilly, ne te disperse pas !

Ina le gratifie d’une œillade sévère, mais son sourire la trahit aisément. Gil rit doucement, avant de voir l’accroche, à côté d’une photo de profil – il y a un bout de cheveux roux qui dépassent et Gil mettrait sa main au feu qu’il s’agit d’une photo avec Ina que sa mère a découpée – qui doit dater de ses années d’études.

Médecin humanitaire – Président de l'association Sang pour Cent.

Gil n’a pas honte de son métier, ni de l'association qu'il a créé, loin de là, mais généralement les gens se méprennent sur lui en prenant en compte cette seule information et il n’aime pas ça. Il n’aime pas être vu comme un héros alors qu’il fait seulement ce qui lui parait juste; auparavant loin de sa mère, et désormais pour lui échapper le plus souvent possible.

Il n’est revenu que parce que son père est malade et qu’il refusait de le laisser aux seuls soins de son dragon de génitrice. Si ça tenait à lui, il aurait déjà rempilé pour une nouvelle mission. Il les enchaîne depuis la fin de ses études pour ne pas avoir à supporter sa mère, son désir d’ascension social qu’elle reporte sur ses enfants et la pression de faire partie du clan Campbell.

Gil veut seulement être libre de ses choix, est-ce si difficile à concevoir ?

— Tu étais obligé de mentionner mon métier ? Ou mon asso ?

— Ça ne donne pas l'impression que tu veux t'installer. Histoire que celles qui veulent du sérieux t’évitent et que les autres s’enfuient toutes en courant dès qu’elles te verront.

— À t’entendre, je suis terrifiant. Tu crois que je tiens du dragon ? P’tes même que je pourrais cracher des flammes avec de l’entraînement, en fait ! T’imagines, nos soirées chamallows grillés seraient tellement plus simples comme ça !

Gil sourit en entendant le rire clair d’Ina.

— Tu es surtout une pile électrique, Gilly, la plupart des gens ne le supportent pas. Surtout les filles avec qui Mère essaye de te caser. Tu ne fais pas exprès d’être pire qu’en temps normal, quand même ?

— Elles m’invitent toutes ou presque à boire un verre. Tu sais comment je suis dans ces cas-là ! se défend-il piteusement.

— Donc tu le fais bien exprès.

Gil hausse les épaules. Depuis son retour en Grande-Bretagne, sa mère trouve le moyen de lui dégoter des rendez-vous avec toute la population féminine du pays ou presque. S’il arrive la moitié du temps à y échapper en inventant un rendez-vous, en sortant avec de vieux amis ou en répondant à un appel d’urgence des bénévoles qui travaillent dans son association, il n’arrive pas à tous les éviter. Il met donc toutes les chances de son côté pour ne pas dépasser le premier rendez-vous à chaque fois.

— La prochaine fois, vas-y en kilt avec le tartan familial, plaisante Ina.

— Chiche, frangine. Chiche.

Une grimace lui échappe en même temps qu’un rire amusé et Ina se pince les lèvres, une lueur de joie dans les yeux. Leur mère va leur en vouloir jusqu’aux calendes grecques quand elle l’apprendra, mais peut-être que cela la convaincra d’arrêter.

Gil peut toujours rêver, alors qu’il supprime ce compte qu’il refuse d’utiliser.