Souvent en décalé. Sa vie professionnelle l'y obligeant, sans compter son petit problème de poils lorsque la pleine lune arrivait, et les jours qui la précédait. Il avait un caractère quelque peu difficile à supporter par moment, mais on lui pardonnait bien volontiers, tant il avait ce talent rare dans une cuisine. Mais cela le poussait à vivre en décalé. Quand une partie du monde rentrait, s'endormait, sa vie nocturne débutait. Pas forcément si tard, sans compter les soirs de congé. Mais il avait fini dans la cuisine, laissé le reste de son équipe terminer de nettoyer et de ranger. Lui avait autre chose à faire du reste de la soirée... ou nuit, tout dépendait des points de vue.

Il pénétra dans la pièce alors que la cape de la nuit était déjà tombée sur Londres, laissant les lampadaires éclairer les pas des hipsters et autres fêtards dans les rues de Spitafields. Le territoire de la meute s'y trouvait, et il n'était pas rare qu'il croise certains membres de celle-ci lorsqu'il venait ici. Ce soir n'y faisait pas exception, et après être entré dans le bar, il vint s'asseoir à leur table, vêtu de sa veste sombre, et de ses lunettes de soleil posé sur le bout de son nez. L'habitude de se dissimuler derrière, tout en ayant la possibilité de regarder par-dessus lorsqu'il voulait mieux voir. Le groupe sur scène n'était pas mauvais, même plutôt bon, et l'effervescence du public semblait en être la meilleure preuve.

Salutation en bonne et due forme auprès de ses amis, ses lèvres qui goûtent le verre d'un autre, qui lui fait remarquer que c'est SON verre, ce qui arrache un rire au nouveau venu, qui échappe à la main déjà tendue pour lui ébouriffer les cheveux. Il y tient, à son look décoiffé, mi-naturel, mi-travaillé. Ce soir, il n'a pas prévu de rentrer seul, comme la plupart du temps. Après, il ne se met jamais de pression, s'il trouve et que cela se passe bien, la suite semble évidente. Dans le cas contraire, il aura déjà passé une bonne soirée.  

- OK, ok, je vais me chercher à boire.

Quelques mots lancés à la va-vite, alors qu'il se relève déjà de son siège, avant de slalomer jusqu'au comptoir. Ses yeux ne perdent pas une miette des êtres qui l'entourent. Certains sont familiers, d'autres non. Dans tous les cas, il évalue, et puis son regard se pose sur celui qui est adossé au bar, une bière à la main. Il possède une certaine nonchalance presque familière, sans l'être. Son look affirmerait qu'il est jeune, mais il ne faut jamais présumer de rien. Le monde obscure s'est dévoilé il y a bien longtemps, mais en tant que loup, il n'y aurait de toute façon pas eu de surprise. Arrivé au comptoir, il s'y accoude, lançant au barman qui lui adresse un grand sourire un :

- Salut ! Comme d'habitude !

Il pianote une seconde sur le comptoir, puis tourne son regard sur celui qui est juste à côté de lui, glissant ses prunelles d'un bleu électrique dans sa direction. Il est curieux. Il l'intrigue. Alors il se lance.

- Salut ! T'es nouveau dans le coin ?

Question rhétorique. Il ne l'a jamais vu ici, alors c'est l'évidence même que, oui. Au moins dans ce bar. Un sourire nargue ses lèvres, tandis qu'il passe une main dans ses cheveux blanc qui capturent les jeux de lumière avec facilité.

Il avait senti son regard sur lui, après tout, le visiblement nouveau venu, au moins ici, ne jouait pas dans la discrétion. Lui avait laissé sa curiosité glisser de ses lèvres, pour en apprendre plus sur celui qu'il ne connaissait pas, qui l'intriguait... et qui l'intrigue toujours à cet instant. Pourtant, Cyan reste méfiant, mauvaise expérience oblige. Il ne sait pas à quelle sauce le nouveau venu risque de le manger. Mais il est dans un environnement familier, et c'est ici, entre autre, qu'il chasse de potentiels partenaires nocturnes. D'ailleurs, ce dernier lui sourit tout en se tournant vers lui en réponse à sa question. Noté qu'il ne s'est pas présenté. Pas encore. Il prend simplement l'avantage, avec la nonchalance qui le caractérise, derrière le fumé de ses verres qui dissimule encore le bleu électrique de ses yeux.

- Salut mon beau. Ouais je suis nouveau, dans la ville, et je viens de découvrir ce bar. Plutôt pas mal j’dois avouer. Et toi, un habitué ?

Ce bar, il a surtout le mérite de ne pas être très loin du territoire de la meute. Mais Cyan l'aime bien, l'ambiance, ses petites habitudes qui ont la vie dure. Il faut dire qu'il a eu le temps de se rapprocher dangereusement du quart de siècle, accumulant blessures et expériences par la même occasion. Cela n'a fait que le rapprocher d'autant plus des survivants de sa meute, et de sa nouvelle alpha qu'il respecte bien plus. Un frêle sourire esquisse brièvement ses lèvres en réponse à ses mots, tandis que ses prunelles azurs se dévoilent sous l'inclinaison subtile de son visage. Il est plus petit, d'un style différent du sien, mais... il a du charme.

- Le barman ne viserait pas juste à chaque fois, si ce n'était pas le cas.

Qu'il souffle, adressant un clin d'œil à l'intéressé qui vient de déposer son verre devant lui. Il pourrait presque faire parti des meubles, s'il ne faisait pas des infidélités à l'endroit en en côtoyant d'autres, selon ses humeurs et ses envies. Il écoute attentivement la nouvelle commande du brun, intrigué par ses goûts, l'envie de le connaître un peu mieux, peut-être.

- J’m’appel Ivan, et toi ?

Timbre presque trop bas pour qu'une oreille humaine ne puisse pas capter ses mots. Ses yeux se plissent légèrement, une seconde tout au plus, à nouveau derrière le verre fumé qui atténue sa vision, heureusement améliorée par sa nature lupine qui sait voir dans le noir.

- Cyan.

Un mot jeté comme un nom, quand il s'agit d'une couleur. Son verre qu'il tient entre ses doigts finit mené à ses lèvres, vidant le shot d'une traite. L'habitude. Un nouveau sourire déride ses traits sérieux, tandis qu'il s'appuie d'un coude sur le comptoir, laissant son corps se rapprocher du sien. Presque une intrusion dans son espace personnel, s'il n'y avait pas déjà une sorte de jeu à tout ceci.

- Et tu cherches quoi en ville, Ivan ?

Ce qu'il cherche en ville, une question parfaitement légitime pour celui aux cheveux blancs qui captent toujours les jeux de lumières, perdant de leur unicité sous l'éclairage vacillant. Parce qu'on ne sait jamais, même si, un type avec de mauvaises intentions ne l'avouerait sans doute pas au premier venu, dans un bar quelconque. Mais elle lui vient naturellement, et c'est une manière de poursuivre la conversation, tout en se rapprochant sensiblement de lui, l'observant terminer son verre, et en commander... deux. De ce que Cyan buvait l'instant d'avant, ça fait persister son sourire. Le nouveau lui plaît bien, pour l'instant. Proximité de leurs corps sans briser l'absence de contact, Ivan l'observe en commençant à répondre.

- Un endroit où me poser. Une meute où je me sentirais à ma place. Une nouvelle vie simplement.

Une... meute. Un loup solitaire qui cherche un port d'attache. Ca lui rappelle Arai et réveille sa méfiance comme si elle attendait son heure, là, sous sa peau. Bien sûr, ils ne sont sans doute pas tous comme ça, Yasmin lui laisserait sûrement sa chance si elle le rencontrait. Ca les divise encore, mais ils ont perdu pas mal de membres. Et lui... lui reste un loup qui a perdu trop de personnes au nom d'un tyran égoïste. Son sourire s'est teinté de sarcasme, parce que Cyan sait qu'Ivan a compris qu'il était un surnaturel : vampire ou loup. Mais il reste silencieux, l'observant à l'abris derrière ses verres.

- Je cherche à faire la rencontre de membres de la meute de Stoney. D’après l’agent de BUR, c’est vers eux que je dois me tourner. Si tu connais certains de leurs membres pour me présenter , ça ne serait pas de refus. Même si pour le moment, faire ta connaissance me suffit amplement.

Le BUR... cela signifiait qu'il était encadré. Mais cela ne protégeait de rien, cependant. Juste qu'ils avaient plus d'éléments d'informations à son sujet. Des fois, il regrettait de ne pas en faire parti, avant de réaliser que ça ne lui plairait pas. Il était bien plus à l'aise derrière ses fourneaux, à surprendre papilles après papilles avec ses plats créatifs et en vogues. Les verres arrivent, déposés par le barman familier. Le verre qui lui est destiné est poussé dans sa direction, tandis qu'Ivan lève le sien, attendant qu'il fasse de même pour trinquer, sans doute. Le loup, méfiant, s'empara de ce dernier, le soulevant à son tour laissant le tintement caractéristique retentir avant de l'avaler d'une traite. Très bien... songe-t-il en laissant un nouveau sourire revenir caresser ses lèvres.

- Reconnais que j'te suffis sans vraiment te suffire, si tu m'en parles.

Paroles soufflées, une main venant jouer de l'encolure de la veste du brun, il sourit. Mais il jauge l'homme qui lui fait face, avec son allure un peu grundge. Il n'a pas encore décidé de ce qu'il pensait de lui, d'à quel point il serait prêt à croire en la sincérité de ses paroles. Il tapote du doigt le comptoir en jetant un coup d'œil au barman qui comprend qu'il doit les resservir. Un geste, le temps de servir quelqu'un d'autre, et il sera à eux. Son attention se reporte sur Ivan, tout en poursuivant le cours de ses pensées de vive voix.

- Stoney, hein ? Et quel genre de vie t'espères y trouver exactement ?

Pas de rejet à son geste, ni d'autres réelles réactions. Juste ce regard qui jamais ne quitte Cyan, comme s'il en était incapable. Mais l'inverse est également vraie, par méfiance et intérêt. Tout s'entremêle en cet instant de première rencontre qui doit permette au loup-garou d'en apprendre plus sur celui qui cherche à rencontrer des membres de sa famille.

- Peut-être est-ce aussi un moyen de ma part de savoir où tu te situes dans ce monde et cette ville.

Oh... jolie pirouette ! Un sourire amusé sur les lèvres du chef qui peut bien comprendre cette curiosité d'en apprendre plus sur celui qui se trouve devant lui. Puisqu'il éprouve la même sensation, les mêmes désirs qui l'incitent justement à vouloir savoir la vie qu'il espère auprès des siens. Sa famille. Celle qui l'a adopté quand la sienne l'a rejeté. Celle dans laquelle il a perdu des membres précieux, qui ne seront jamais remplaçables, comme celui qui l'a mené à cette vie, son ami le plus ancien. Et tant d'autres encore. Tandis que les prunelles d'Ivan se perdent sur ce qui les entoure, celles de Cyan restent braquées sur lui, l'étudiant attentivement, comme un prédateur jaugerait sa proie.

- Hmm… Bonne question à vrai dire.

Choix du barman de les servir à cet instant. Ses doigts s'emparent machinalement du verre, l'imitant dans la gestuelle, et descendant l'alcool qui vient brûler avec familiarité la gorge de son consommateur. Il tient plutôt bien l'alcool, par ses habitudes nocturnes, et il connaît également ses limites. A plus de quarante ans, avec un connard pour alpha, c'était plus prudent.

- J’ai intégré, rencontré beaucoup de meute, dans différentes villes dans mon pays d’origine, quelques-unes dans ce pays aussi. J’ai pas forcément d’espérance, j’cherche juste cette sensation qui m’fera comprendre que je suis enfin chez moi, dans cette meute. Que j’appartient à celle-ci quoi. C’t’être con, j’suis jeune après tout et j’ai déjà vu pas mal de meute, un beau doss’ qui tire toujours des réactions amusantes des agents qui gèrent mes arrivées.

Il l'écoute parler, évoquer ces différentes meutes qu'il a rejointes, sans, de toute évidence, trouver celle qui lui donnerait l'impression d'être chez lui. Ivan évoque sa jeunesse et Cyan le scrute plus précisément. Et oui, cela semble évident qu'il n'est pas bien vieux. Mais cela ne veut rien dire. Pourtant, son rire lui semble sincère. Sûrement que le BUR lui a fait une réflexion à ce sujet. Puis il renouvelle la commande, et y joint autre chose de moins "instantané", disons. Choix judicieux, sans doute.

- On m’a dit qu’cette meute avait souffert, j’pas vraiment tous les détails, j’sais seulement que la nouvelle Alpha tente de redresser la meute, je suis curieux, j’ai pas encore croisé de meute qui ai pu être meurtrie comme semble l’avoir été Stoney. C’est t’être pas une raison valable, mais j’suis une personne curieuse, qu’est c’que j’y peux ?

Des mots maladroits pour celui qui étaient au coeur de la tourmente, qui s'il a toujours la vie, a vécu les heures sombres de la meute. Il se crispe sûrement un peu, mais cela ne dure qu'un instant. L'habitude. Et puis ce n'est pas une mauvaise période lunaire, dans le cas contraire, sûrement aurait-il plutôt mal réagi à cette curiosité déplacée. Il pourrait, pourtant, lui dire d'aller chercher un atelier de curiosités ailleurs que dans sa meute, mais le sourire qu'il lui adresse retient son mauvais caractère, et le laisse poursuivre.

- Puis d’toute, tu me vois aller m’adresser à des membres de la meute de Marylebone pour les rejoindre ? Au vu de ce qu’on m’a dit, ça matchera pas du tout eux et moi !

Un nouveau rire, contagieux, Cyan se joint à lui à l'idée que ces noblions puissent envisager d'accueillir un type comme lui dans leurs rangs. Pas assez ouverts pour ça, même s'ils ont tenté de leur tendre la main dans leurs heures les plus sombres. Il n'a rien contre eux, Cyan, au contraire. Il s'empare du verre et trinque, avant de l'avaler d'une traite, une dernière fois. Ca embrume légèrement, sans exagération. Il est toujours capable de réagir, mais il se laisse aller à poser une main sur sa cuisse. C'est qu'il apprécie la sincérité du brun, parce qu'il pourrait le croire. Qu'il aime bien le caractère qu'il dévoile. Pas le genre à rester là où il ne se sent pas bien, qui dit ce qu'il pense. Il s'incline vers lui, et vient, d'un timbre assez bas pour que seul lui puisse l'entendre, presque un grondement, murmurer à son oreille.

- Tu devrais éviter de nous traiter comme des curiosités, certains pourraient mal le prendre.

Il se recule, dévoilant l'éclat de son regard bleu si sérieux dans sa direction. Lui-même n'a pas particulièrement apprécié. En même temps qu'il s'hérisse de ses paroles trop légères, il lui dévoile sa race et son appartenance à la meute qu'il vise. Et oui, le destin des fois.

- C'est ton agent du BUR qui t'a raconté ça ? Qu'on est blessé ?

C'est la vérité, mais Cyan n'apprécie pas, comme tout animal blessé, qu'on le sache meurtri. Même si rien ne pourrait contredire ce point, cela se sent très certainement à sa réaction plus froide, alors qu'il boit une gorgée de son nouveau verre, sans même faire attention à ce qu'il contient. Il s'agace, pas de la faute d'Ivan qu'il scrute un instant avant de soupirer. Le souvenir d'Arai est toujours une ombre omniprésente, qu'il sera difficile de faire disparaître, même si Yasmin s'y emploie, et la fierté se cramponne un peu trop à cette famille dysfonctionnelle par ses blessures.

- Félicitation... tu as rencontré l'un de ses membres. Mais pas sûr que je sois ta meilleure porte d'entrée.