La cage thoracique sur le point de céder, tu ressens les pulsations frénétiques dans tes veines et celles de ton complice. Tu auras bien fait de miser sur une mise en arrêt immédiate de tes inquisitions effrénées. Si le moment avait été propice aux aveux à demi-mots, il faudrait attendre pour passer à table. Une faim différente de celle qui t’a trop souvent accablé s’insinue en toi. Tu ne veux plus rompre le contact avec lui, de peur de le voir disparaître, de peur de te réveiller de cette situation trop belle pour que ce soit vrai.
Il s’était seulement contenté de souligner ton attitude animale, essoufflé. La vulnérabilité révélée de ce diurne, si longtemps contemplé en seule statue d’albâtre, a le don de jeter de l’huile à l’âtre de tes dévorantes passions. Tu n’es pas coutumier de la retenue, pas plus que de savoir faire preuve de patience ou de tempérance. Pourtant, pour lui, tu sauras – non sans difficultés – refréner tes plus bas instincts. Parce qu’il t’en avait formulé la demande, même sans l’avoir dit de ses lèvres. Il t’allonge sur lui, tu n’es plus sûr de comprendre, mais transit, tu consens docilement à te faire entraîner contre ton aimé.
Mielleuses, tes lèvres dessinent un vague sourire, sans savoir se figer, jamais. Les tremblements, légers, de ta mâchoire malmenant chaque tentative. Tu n’entends plus que son cœur, qu’il te tend, battre pour toi ? Tu aimerais le croire. Tu perds ton regard contre sa peau, son grain fin, la texture soyeuse qu’elle revêt généralement, les zones de sécheresses, les fantaisies que tes yeux n’attrapent pas, mais que la pulpe de tes doigts capte, avidement. Tu voudrais passer la nuit à découvrir ce corps, fusse cette soirée la plus chaste de ton existence, tu en serais comblé. D’un mouvement que tu n’attends plus, de sa part, il caresse ta toison de jais.
C’est comme si l’on versait des cendres fraîches sur la neige neuve. Sublimation. La palette qui quittait, peu à peu, les gradients carmin – au fur et à mesure que tu domptais silencieusement la chaleur enivrante de cet humain – voilà qu’elle s’en revient à toi, sans détours. Immédiatement, tu te raidis. Ta colonne vertébrale, fondant lascivement sur les contours du blond, retrouve son axe le plus droit, tu n’oses ni bouger, ni respirer. Est-ce une invitation ? Cela va-t-il cesser, si tu bouges ? Dans ta stupeur, tu auras redressé ta joue, ayant fusionné avec la lave de son épiderme, ainsi décollé de lui, l’air ambiant te semble d’une froideur insupportable.
Machinalement, tu plonges à nouveau ton visage dans cet Eden. «
Très bien. Mais vu où en sont les choses, tu n’as même pas besoin de me demander ce genre de faveur, tu sais. » Comment ? À quoi répond-il ? Tu n’es plus bien sûr.. Pourquoi n’aurais-tu pas à quémander ses faveurs, les as-tu toutes de lui ?.. Est-ce ce qu’il est en train de dire ? Malicieusement, tu te redresses sur lui, avançant ton visage du sien, non sans traîner ton corps animé sur le sien, tu poses ton index droit sur sa lèvre inférieure, amusé. « Mais d’abord, faisons le lit. » Pourquoi faut-il qu’il choisisse de faire pleuvoir sur ta vie ?.. Lui qui règne en maître incontesté sur ton cœur, c'est à croire que te voir misérable est l’un de ses passe-temps favoris.
***
Lové dans ses bras, à nouveau, tu auras chassé tes vilaines pensées en le fusillant du regard. Après un temps à l’observer, sans rien dire, tu finis par oublier pourquoi tu lui en voulais à l’origine. Une méthode à éprouver pour s’assurer de sa qualité sur le plus long terme, mais si cela devait réellement fonctionner, ce serait sans doute le signe que cette relation aurait pour vocation de durer. Le goût persistant de sa faible chair sur tes lèvres, tu gardes tes iris pour toi, souriant, béatement. Délicieusement, l’une de tes jambes contre sa hanche, reproduit un mouvement lent et répétitif, comme pour te rappeler à son bon souvenir, lui signifier que tu es toujours là.
«
He… …. ... Non rien. » Pardon ? C’était un fond de nervosité ou bien de l’agacement qui s’immisçait dans sa voix ? Il te faudrait apprendre chacune de ses intonations, vivre dans l’incertitude s’avérerait être un calvaire beaucoup trop insoutenable pour toi, sans ça. La tête inclinée exagérément sur un côté, même étendu sur le flanc à ses côtés, tu remontes ta cuisse en otage entre ses jambes, jusqu’à ce que ton genou presse – gentiment – ses précieuses. «
… Comment ça, rien ? » Tu retiens, mal, la panique grandissante en toi, la confusion te fais perdre le meilleur de toi et il ne serait pas impossible de confondre cela avec une colère sincère.
Admettons de bon cœur ton impair, tu caresses d’une main sa joue, à quelques centimètres du tien. Le regard plus doux que ce que tes mots pourraient le laisser penser, tu ajoutes. «
Enfin.. J’veux dire que tu peux m’dire, si tu veux… Imagine, on arrive pas à se parler. À quoi bon ?.. » Tes propos ne sont pas tout à fait cohérent, mais l’essentiel, c’est que tu te comprennes, n’est-ce pas ? Pour peu qu’il soit coopératif, il se pourrait que le journaliste parvienne à additionner un et un, mais ça ne serait pas si inimaginable que cela qu’il ne comprenne pas où tu veuilles en venir exactement. «
J’dis ça, mais j’veux pas te forcer à me dire, hein.. Juste que si tu veux me dire un truc, hésite pas. Je t’écouterais toujours, moi ! »
Tu te frottes les yeux, toujours pas convaincu de bien vivre ses moments, pourtant d'un banal assez affligeant, à ses côtés. Tu raffermis du mollet ta prise sur sa hanche, alors que tu rétractes tes véhémences envers tes futurs enfants du genou. Ta main reste accrochée à sa joue, ne semblant pas vouloir s’en défaire. Sans y réfléchir davantage, tu l’embrasses. Pour la simple et bonne raison, qu’en rouvrant les yeux, ça te semble la chose la plus naturelle à faire. Puis, pris de bêtises, tu recommences, puis encore et encore, avant de commencer à dire. «
Dis-moi. » Entre chaque assaut, et par glousser débilement entre tes vicieuses attaques, jusqu’à ce qu’il t’arrête. C'est devenu davantage une excuse pour graver dans ta mémoire la forme de ses lèvres, contre les tiennes, plutôt qu'un jeu d'endurance, tu n'aurais aucun problème qu'il ne te réponde pas.