"Comment ça, c’est que du champagne champagne ?!"
"M-monsieur Reed, je suis vraiment désolé, il y a eu erreur sur la comman—"
"Une erreur ? Non, non, oublier deux ou trois bouteilles, ça, c’est une erreur. Faire livrer plus de 150 bouteilles de la mauvaise boisson, c’est de la stupidité."
"O-Oui j’en suis conscient, je vais essayer de—"
"Essayer ? Hahahaha non. Tu as 5 heures pour te démerder et rectifier la commande. Je me fiche de comment, ni du coût, mais si c’est pas fait dans les temps, ce n'est pas la peine de revenir."
Beep. Une ligne coupée, un téléphone furieusement plaqué sur la table basse, ce fut pourtant un long soupir qui s’échappa des lèvres du vampire qui était le plus audible dans cette loge luxueuse. Quelle incompétence, vraiment. Ce n’était pourtant pas compliqué de lire une putain de commande, non ? Il avait spécifiquement demandé deux variétés de champagne, l’une d’entre elles plus adaptées pour le genre vampirique… Et pour une raison qui lui échappait totalement, son nouvel assistant avait réussi à commander tout simplement du champagne ordinaire. Encore, si cela n’avait pas été le champagne de qualité supérieure qu’il demandait normalement, mais bien des deux variétés, il n’aurait sans doute pas fait un aussi gros drame… Non, c’est faux, il aurait été en rogne aussi. Pourquoi c’était si compliqué d’accomplir une tâche si simple ??? Il n’avait pas demandé la lune, mais que du foutu champagne dans un délai des plus raisonnables. Le pire dans tout ça, c’est qu’il allait devoir payer le livreur et les 150 décevantes bouteilles de champagne, puisque les planificateurs de cette soirée avaient pris la peine de les distribuer dans la pièce pour plus tard… On était jamais mieux servi que par soi-même, non ? Et puis ce n’était même pas un caprice cette fois…!
Grommelant, se frottant le front de ses doigts dans un soupir comme si le pire des maux de crâne venait de lui tomber dessus, Micah traita d’imbécile ce nouvel assistant - c’était quoi son nom déjà… ? Joe..? Josh ? Joshua ? Pfff. Ça n’avait pas d’importance, puisqu’il ne remettrait sans doute plus les pieds dans l’agence après cette gaffe. Le blond n’était pas réputé pour sa patience, et encore moins pour les idioties de ce genre. Sans doute que le fait qu’il avait dû rester dans cette loge presque toute la journée en attendant que la nuit arrive, à s’emmerder comme pas possible… Ça n’avait pas du tout aidé à son agacement. Non, son humeur massacrante. Se levant sèchement, il attrapa son verre au liquide pourpre, le terminant d’un trait avant de le déposer un peu trop brusquement sur la table basse et repoussa sa longue chevelure vers l’arrière ; un deuxième soupir, plus bref, traversant ses lèvres pâles. Il ne restait que quelques heures, deux au maximum, avant qu’il puisse enfin rejoindre les photographes pour la session shooting. Une journée comme une autre, si ce n’était des désagréments, ayant signé un contrat pour être le visage publicitaire d’un nouveau parfum d’une marque mondiale. Vraiment, une journée comme autre dans la vie de cette princesse au tempérament fougueux. Farfouillant dans ses poches pour en retirer son porte-feuille, il en sortit une liasse de billets plutôt épaisse qu’il déposa sans ménagement, presque avec dédain, sur la table.
Étirant sa silhouette svelte, le vampire revint vers la table basse pour récupérer son téléphone, y regardant l’heure une dernière fois avant de déboutonner sa chemise sans pour autant la retirer. La laissant entrouverte sur son torse pâle finalement sculpté, il décida de se débarrasser de son pantalon en premier au final. Sans raison précise, laissant le jean noir glisser le long de ses longues jambes de mannequins, récupérant le vêtement pour le déposer sur une pile de vêtements qui traînait sur un fauteuil. Toutes sortes de tenues, de marques, de prix exorbitants, si impunément avachis en mont de tissus sans qu’il ne s’en soucis. Tournant les talons, il se dirigea vers la salle de bain pour se rafraîchir et terminer de se dévêtir comme bon lui semblait. Le seuil de la pièce à peine franchit qu’il entendit le bruit de la poignée de sa loge se tourner lentement, dans un grincement léger qui n’indiquait pourtant aucune hésitation. Ce n’était clairement pas son assistant. Son manager, dans ce cas ?
Oh, non. La silhouette qui venait de pénétrer sa loge n’avait rien à voir avec un membre de son équipe. Figeant sur place, se contentant de se tourner pour lui faire face à une distance raisonnable, les yeux de rubis de Micah se posèrent sur l’inconnu qui n’avait sans doute pas passé inaperçu en se rendant à sa loge. Grand, très grand. D’une carrure athlétique qui n’avait rien à voir avec la sienne, si fine. Le genre de type qui aurait pu le casser en deux, s’il n’avait été qu’un simple humain. Le genre de type qu’il aurait très certainement laissé le casser, s’il le souhaitait. Mais avant de se perdre dans ses pensées plus salaces les unes que les autres, les vraies questions ; qui lui avait donné la permission d’entrer sans prévenir ? Surtout, qui était-il ? Est-ce que c’était le livreur qui venait chercher son dû pour cette foutue commande ? Ça expliquerait son air perdu sous ce regard étourdi qui continuait de le dévorer des yeux sans un mot.
Penchant la tête imperceptiblement sur le côté, sa longue chevelure blonde glissant sur ses épaules à peine recouverte de ce bout de chemise qui ne cachait pas grand-chose, ni de son corps, ni du simple boxer qui couvrait la partie du bas de son corps, il vit bien le regard ambré de l’homme poursuivre sa découverte visuelle sur sa silhouette. Oh, qu’il regarde, cela ne gênait absolument pas Micah… Au contraire. Bien qu’il rehaussa un sourcil, le vampire en oublia presque son agacement, un léger sourire en coin s’étirant sur ses lèvres. Presque. Son sourire était railleur, certes, bien que ce n’était pas dirigé contre le bel intrus : le blond était toujours d’une humeur à la limite du massacre. Radoucis malgré lui par la vision échangé de l’armoire à glace qui semblait reprendre conscience, mais surtout qui semblait se rendre compte qu’il le dévisageait comme un enfant dans une boutique de bonbons, Micah se décida à briser ce silence qui commençait à l’agacer.
"Y'a de l’argent sur la table pour du champagne."
… Pas de réponses. Plissant les yeux, il fit cette fois un pas en direction du colosse, ses mains se posant sur ses hanches, rehaussant la finesse de sa taille. Il n’était quand même pas sourd, non ? Les bonnes habitudes revenant au galop, cette fois, Micha leva une main et claqua des doigts, cherchant à attirer son attention sur autre chose que sa peau d’ivoire offerte comme un livre ouvert, rajoutant d’un ton un peu plus impatient.
"Hey, oh, la terre appelle je-sais-pas-votre-nom..."
Il ne sut pas si ce fut le claquement qui fit son effet, mais l’inconnu sembla finalement reprendre vie, détachant ses yeux de sa personne. Un geste qui, inconsciemment, agaça encore plus Micah qui aurait voulu sentir l’ambre de ses yeux encore sur lui. Juste un peu. De voir cette lueur dans son regard. Il était pourtant habitué de se faire dévisager de façons plus ou moins discrètes, surtout lubriques, mais il y avait quelque chose dans les yeux brûlants de l’inconnu qui… L’intéressait. Quoi ? Il n’en savait rien. Mais il était curieux, oui. Encore plus lorsqu’il vit cette étrange confusion se lire de plus en plus sur les traits du grand brun qui regardait l’argent sur la table, sur la porte, sur lui de nouveau. À deux doigts de lui demander s’il parlait au moins la même langue, celui-ci lui fit l’honneur de lui répondre, n’ayant pas l’air d’avoir tout suivi ce qu’il avait dit plus tôt… Jusqu’à ce qu’il parle d’un mauvais service. Il n’était pas là pour le champagne, mais ses ongles.
Heh ? Ses ongles ? Il ne se souvenait pas avoir demandé une manucure ? Mais il comprit surtout l’allusion quant au « mauvais service », ce qui lui arracha un nouveau haussement de sourcil. D’abord interdit, il fut partagé entre l’envie d’éclater de rire, comme si c’était la meilleure blague de l’année, et cette envie de l’envoyer se faire foutre, il avait de la chance d’être mignon avec ses yeux ambrés, ce qui donna surtout envie à Micah de pousser la confusion un peu plus loin. Un rire soufflé de son nez, teinté de moquerie, le vampire accrocha son regard au sien. Oh, non, il ne comptait pas utiliser son charme vampirique, il n’en avait pas besoin. Ce n’était, d’ailleurs, pas quelque chose dont il aimait jouer sauf dans des cas exceptionnels pour foutre la honte à des indiscrets en les attirant pour mieux les rejeter durement. Micah était trop fier, trop déterminé pour minauder en battant des cils et utiliser ses capacités d’être de la nuit. S’humectant les lèvres alors qu’il mentionna de « peut-être le laisser s’habiller », ne pouvant retenir ce sourire mystérieux flotté sur ses lèvres. Des mots auxquels il ne répondit que par une question presque sotte, imprévisible :
"Pourquoi faire ?"
Se rapproche d’un coup, il profita cette fois de sa vitesse de crocs pour se planter d’un coup devant lui en s’arrêtant suffisamment brusquement pour que son parfum délicat vienne chatouiller les narines de son interlocuteur. Bien plus près, peut-être trop, se fichant complètement d’être pratiquement nu sous les yeux du géant, la lueur indomptable dans ses yeux de rubis s’accrocha aux iris chauds de l’homme. L’observant de plus près, il s’autorisa à son tour à apprécier pleinement ses traits masculins et découpés, sa carrure dont il pouvait deviner aisément les muscles sous ses vêtements. Et surtout, un détail qui lui sauta aux yeux, par instinct : ce n’était pas un humain qui se tenait devant lui, dans sa loge, mais bien un loup. De quoi qui titilla encore plus sa curiosité et la brillance de ses yeux particuliers, lâchant d’un ton mi-sarcastique, mi-suave :
"… Puisque le staff vous a déjà laissé entrer, ce serait bête de repartir si vite."
D’un revirement soudain, le regard de Micah se refroidit quelque peu tandis qu’il retrouva son habituel agacement, reculant de deux pas pour mieux lui tourner le dos. Un nouvel effluve de son parfum, il s’éloigna sans plus de cérémonies, se contentant de rajouter d’un ton las, comme s’il avait perdu tout intérêt en quelques secondes - c’était faux, mais il l’ignorait :
"Faites comme chez vous."
Lui jetant un regard par-dessus son épaule, il retira sa chemise sans plus attendre, la laissant glisser de ses épaules frêles en dévoilant la courbe de son dos, sa tignasse blonde dévalant contre sa peau jusqu’au creux de ses reins, juste au-dessus de son fessier rebondi recouvert par le dernier morceau de tissu présent sur son corps. D’un pas lent, presque nonchalant, il entra dans la salle de bain sans prendre la peine de fermer la porte pour attraper le pantalon de toile qu’on lui avait attribué pour le shoot et l’enfila. C’est seulement en revenant dans la pièce commune qu’il termina de le boutonner sur son ventre plat, cintrant sa taille délicieusement, se retrouvant cette fois en tenue inversée : torse-nu, cuisses recouvertes. C’est un peignoir de soie blanc à manche courte qui prit place sur ses épaules, repoussant ses longs cheveux blonds vers l’arrière, toujours entrouvert de façon décontractée sur son torse.
"Vous êtes là pourquoi déjà ? Mes ongles ?"
Levant ses yeux sur lui, sous ses interminables cils blonds, il termina de refermer son peignoir, brisant la vue des reliefs pâles de sa personne en s’installant à la table. Repoussant l’argent comme s’il ne s’agissait que d’une ridicule babiole, il pianota de ses doigts sur la surface de bois et de son autre main, coude contre la table, vint soutenir son menton dans le creux de sa paume. Mitigé, son visage exprimait à la fois une flemme monumentale et un intérêt pour la beauté musculeuse qui se tenait toujours droit comme un piquet dans sa loge, lui pointant la chaise en face de lui de son menton, les mots franchissant sa bouche invitante de leur légendaire franchise presque effrontée, si ce n’était de cette lueur amusée dans les rubis miroitants de ses yeux :
"… Vous attendez quoi ? Je ne mords pas."