Le soucis de ce métier c'était avant tout la disponibilité. Je n'étais jamais à l'appart ou bien j'avais trop peu de temps pour ma vie privée. Mais quelque part, je l'avais choisit et c'était mieux ainsi. Je regardais une énième fois mon téléphone où mon dernier sms était encore esseulé, sans réponse. Oui, au final, je préférais avoir un métier qui occupait l'essentiel de ma vie plutôt que de me morfondre sur des réponses qui ne viendraient jamais. Mais cela aussi, je l'avais choisit. Lui, je l'avais choisit quelque part. J'étais tombée sous son étrange charme et je m'étais enfoncée dans cette spirale infernale qu'il représentait. Avoir de ses nouvelles était quelque chose d'ardu, même lorsqu'il s'agissait d'urgences. Et je me surprenais à me chercher des excuses pour tenter de le joindre, de l'appeler. Dans la grande majorité des cas, je tombais sur le répondeur, mais quoi de plus normal pour un homme qui avait tant à gérer ? Cependant, j'aurais aimé qu'en cinq ans et quelques de relation, il me considère un peu plus et ne me laisse pas de simples vus.
Je soupirais doucement avant de reposer mon téléphone sur mon bureau. Je venais de prendre mon service et pour l'instant, je fixais simplement mon écran afin de lire les rapports de l'équipe de jour. Nous avions eu un débriefing lors de la transmission de service, mais je trouvais cela toujours plus intéressant de lire l'entièreté des rapports lorsque je le pouvais.
Et je profitais de ce court instant de répit, bercée par le calme si rare du centre de régulation, pour commencer ma soirée doucement. Je ne pu retenir un bâillement qui fit sourire mon collègue. Après tout, les horaires décalées, le rythme effréné commençait doucement à avoir raison de moi.
Il ne fallut pas longtemps, cependant, pour que l'action se rappelle à moi. L'agent régulateur, après un bref appel, nous indiqua notre prochaine mission. Sans plus tarder, j'embarquais avec moi mon équipe, empruntant le véhicule médicalisé. Une intervention dans le quartier de Waterloo, un arrêt cardiaque semblait-il. Nous n'avions pas une seconde à perdre et ça, notre ambulancier le savait parfaitement. Toutes sirènes hurlantes, il roulait aussi vite qu'il le pouvait dans la circulation chargée de la capitale Londonienne. Certains se poussaient, d'autres non. Et bien que la politique actuelle fusse de réduire le nombre de véhicules en ville, cela ne déchargeait pas les axes qui s'engorgeaient toujours autant lorsque l'heure de rentrer du travail sonnait. Pour ne rien arranger, la nuit était tombée, nous imposant son noir manteau en reine de l'hiver. Je soupirais de nouveau tout en me concentrant sur le récapitulatif de mission.
Un homme, assez jeune, atteint d'un arrêt cardiaque depuis cinq minutes environ. A en croire mon petit papier imprimé rapidement, les pompiers seraient déjà sur place pour lui prodiguer les premiers secours. Que ferions nous sans eux ?
Mais leurs gestes ne suffiraient pas à sauver le pauvre homme, nous devions intervenir.
Après des minutes qui me parurent des heures malgré l'adrénaline, nous arrivâmes enfin sur les lieux de l'accident. Les gyrophares des pompiers éclairaient la scène. L'homme avait été retrouvé par des passants à la sortie d'une ruelle, déjà en arrêt cardiaque. Après avoir prit les informations nécessaires auprès d'un pompier, je m'affairais, avec mon équipe, à tenter de le réanimer.
Le soucis, c'est que nous ne s'avions pas depuis combien de temps il était ainsi. Bien que mon ordre de mission indiquait cinq minutes, il semblait que cela fasse plus. La faible luminosité bien que nous avions nos phares pour éclairer, ne m'aidais pas à voir correctement le corps. Au toucher, cependant, il semblait étrangement trop froid et la pâleur de son visage n'augurait rien de bon. Après de longues minutes à tenter le tout pour le tout, je pris la très dure décision de stopper la réanimation.
Je notais alors l'heure et le jour du décès du cadavre inconnu dans un carnet. Il fallait désormais appeler la police afin de faire constater le décès. Je m'approchais encore du corps de l'homme, débraillé, et je remarquais alors un détail qui m'avais échappé. Nichées au creux de son col, de discrètes plaies étaient visibles. Sans toucher plus le corps, je remarquais ensuite une affreuse tâche de sang derrière son crâne. Comment avais-je pu louper ça ?
Sans plus attendre, en plus de la police, je pris l'initiative d'appeler la BUR. En effet, ces marques n'avaient rien de naturel et j'avais la désagréable impression que nous étions désormais sur une scène de crime.
J'en informais mes collègues ainsi que le centre de régulation. Dans ces moments là, nous ne pouvions pas quitter les lieux avant l'arrivée des forces de l'ordre. Je restais donc adossée au camion des pompiers, les bras croisés et le regard fixe. Je n'avais que très rarement été confrontée à des attaques de surnaturels, mais la plupart du temps, cela ne finissait pas bien. Mécaniquement, je touchais alors l'endroit où d'affreuses cicatrices marbraient ma peau. Puis, avec un peu plus de convictions, j'envoyais un énième message à mon homme, plus par habitude que par réelle nécessité.
"Je rentrerais tard demain matin"
Et je retournais à ma morne attente tout en fixant le vide et en répondant parfois aux questions des pompiers ou bien de mon équipe.