Voilà que le jeune homme se met à rouspéter. Il te semble exaspéré par la question, mais bien contraint, de ses propres mots, à te répondre. Il finit par consentir à t’expliquer plus en détail la situation. De ce que tu en comprends, ça n’a pas l’air si difficile que ça, au final. D’un mouvement de tête nonchalant, il t’indique de prendre sa suite et disparaît dans un escalier qui mène jusqu’aux catacombes, à proprement parler.
Lui emboîtant le pas, sans le coller de trop prêt, tu l’écoutes religieusement poursuivre ses commentaires. Oh ? On lui avait, en fait, posé un lapin. C’était donc de là d’où te venait cette chance… N’ayant aucune idée de s’il valait mieux exprimer ou non une certaine empathie vis-à-vis de cet abandon, tu ne sus pas déterminer s'il te fallait être triste pour lui ou content de pouvoir passer un peu de temps avec lui. Dans le doute, tu ne pipas mot.
Tu t’étonnes du décor dans lequel tu évolues, finalement, c'était un peu comme retrouver une vieille maison de famille, l'une que l'on emploie que très occasionnellement, pour des vacances scolaires superflues. Il continue de déblatérer, un besoin de sortir certaines choses de son thorax ? Peut-être n’était-il pas si bien entouré que ça, pour se confier ainsi à un étranger… Du moins, c’est dans ces eaux-là que ton cerveau vagabonde, à moins qu’il ne soit simplement bavard, naturellement. Il est dit que ça existe, les gens de cette espèce.
Si tu as bien tout suivi, rencontrer d’autres personnes constituerait bien le risque le plus important, ici-bas, en dehors d’un dérobement de plancher ou plus largement, d’une chute. Il marque une pause et daigne finalement te donner une description plus complète de ce qui se cache vraiment derrière le mot urbex. C’était une forme de curiosité assez singulière, pas pour te déplaire, redécouvrir le passé avec un regard neuf, essayer de comprendre comment un lieu avait pu passer de bouillonnant de vie à terriblement silencieux.
En l'occurrence, il s’agissait plutôt de découvrir de ses propres yeux ce que cela pouvait bien signifier “catacombes”, concrètement. L’idée fait son chemin dans ta tête et en vrai, ça n’est pas si mal, comme occupation. C’est fichtrement plus intéressant que la plupart des choses que tu aurais pu faire ce soir, de toute façon. Puis surtout, c’était nouveau, stimulant et ça te permettait enfin, de te laisser une opportunité de créer un lien avec une personne de son âge, une complètement extérieure à ta meute. Quelqu’un d’un autre univers, d’une autre culture, presque. C’est un vrai bol d’air frais pour toi, petit nobliau, une respiration plus que bienvenue. Puis soudain. Ce n'est pas faux ça, qu’est-ce qui t’as poussé à venir, sans invitation ?
Comment répondre à cette question sans le froisser ? « Je… » Rappelle-toi de ne pas t’adresser à lui comme aux anciens. Rappelle-toi de ne pas être trop honnête, même avec lui, personne ne trouve cools les gens trop désespérés. Tu as le droit d’exprimer ta solitude écrasante, sans jamais la nommer, ils ont toujours peur des êtres trop conscients d’eux-mêmes. « Franchement ?.. J’aime bien la vibe de ton p’tit groupe de potes. J’aime bien ton énergie. » Tu lui souris, d’un faible éclat, pourtant sincère. « Puis, j’crois qu’j’aurais rien préféré faire que d'me paumer dans les entrailles de la ville avec toi, ce soir. » Tu retiens un petit ricanement amusé, tu ne penses pas à mal. Si ce que tu dis est on ne peut plus exact, tu ne peux pas t’empêcher de te dire que cela représentait vraiment le mieux que tu puisses faire, déroutant pour une gosse de riche, n’est-ce pas ?
« Je suis content de pouvoir t’accompagner, même si je comprends que c’est plus un concours de circonstance qu’autre chose… » Tu soupires, épuisé par ton incapacité à te lier aux autres, du moins à ce qui n’évoluent pas dans les mêmes sphères que toi. Devant ton nez descend de sa toile une superbe Steatoda Nobilis ou fausse veuve noire, qui gagne du terrain en Angleterre, ces dernières années. Prenant un bon pas de côté, tu l’observes, fasciné « Ohhhhhh… Qu’est-ce qu’elle est jolie !.. » On peut voir l’encyclopédie cachée derrière tes grands yeux pétillants s’ouvrir et collecter tout ce que tu sais vis-à-vis de ce spécimen, tu t’en souviens déjà assez pour déterminer qu’il ne faut pas s’en approcher de trop près. Bien que bien moins dangereuse que la “vraie”, son venin provoque des effets neurotoxiques dont tu préférerais te passer.