CECI N'EST PAS UN SLOW BURN
Elle t’avait pas dit qu’elle reviendrait, mais t’espérais pourtant. Pendant une semaine, une semaine entière, sept jours. C’est long sept jours, non ? Ça devrait pas être long, mais c’était une éternité quand même. Une éternité où tu te retrouvais à lever les yeux à chaque tintement de la clochette de la porte, dans l’attente de la jolie tête blonde qui n’arrivait jamais. Pourtant normalement le temps passe vite… Peut-être que finalement elle t’avait trouvé pénible, ou peut-être que c’était simplement son travail qui l’occupait beaucoup, ou peut être que c’était ta faute, à essayer de la forcer à boire des trucs qui peuvent la rendre malade… Oui, tu es un idiot, et elle ne reviendra jamais, et c’est ta faute.
Et puis, un soir, elle avait fini par réapparaître, petit éclat de soleil dans l’ambiance tamisée du bar. Et à revenir, pas qu’une fois. Et même si des fois tu es surchargé de travail, et que tu n’as presque que le temps de lui dire bonjour, et même si des fois, c’est plus calme et tu as du temps pour te poser et lui faire la conversation. Elle revient. Et ça te fait comme une petite bulle de douceur, de simplement la voir, là, assise à ton comptoir.
Tu espères que ce soir ça sera aussi le cas. En tout cas, c’est ce qui occupe tes pensées pendant que tu te diriges vers le bar où tu travailles. Quelque chose te dit que ça va être une bonne soirée ; il fait beau, les oiseaux chantent, tu es de bonne humeur.
Alors que tu t’approches enfin de ta destination, tu crois entendre quelque chose qui te fait froncer les sourcils. L’accent bien prononcé de ta campagne natale qui n’a rien à faire dans les rues de Londres, et encore moins porté par des voix que tu sembles reconnaître…
▬ Mam-gu ? Tad-cu ? Qu’est ce…
Oui, qu’est-ce que tes grands-parents font là ? Ils ne t’ont pas prévenu de leur visite, alors que tu les appelles régulièrement pour leur raconter ta vie. Et puis aux dernières nouvelles ils n’ont pas non plus prévenu tes parents…
▬ Beth wyt ti'n gwneud yma ? A beth yw'r stwff yna?
Parce qu’en plus d’avoir débarqué à l’imprévu, et devant ton lieu de travail, ils sont chargés comme des mules de tout un tas de bazar dont t’aimerais bien connaître l’utilité.
Après t’être pris une bonne tape dans le dos de la part de ton grand-père, et t’être fait pincer les joues par ta grand-mère, évidemment inquiète que tu n’aies que la peau sur les os d’après elle.
De ce que tu comprends ils débarquent de leur campagne pour monter un atelier de brassage de bière en plein milieu du bar. Apparemment avec l’accord du patron… Les doigts pressés contre les tempes, les sourcils froncés, tu essaies de comprendre le sens de l’existence. Mais si ton boss a autorisé ça… Tu leur ouvres la porte, et aides ton grand-père à trimballer les diverses casseroles, plaques chauffantes, et bonbonnes en verre.
Un peu désemparé face aux événements, tu décides de les laisser s’organiser comme ils l’entendent, de toute façon tu pourrais leur dire n’importe quoi qu’ils feraient quand même comme ils veulent… Et après une énième requête de ton grand père, tu te retrouves à fouiller la réserve de laquelle tu sors avec un énorme rouleau d’essuie-tout dans les bras.
Tu te figes une longue seconde devant la scène qui se déroule sous tes yeux. Ta grand-mère, à deux doigts de venir pincer les joues d’Allie, et qui lui blablate tu sais pas trop quoi en gallois. Évidemment que tu leur as un peu parlé d’elle, surtout à ta mamie, tu lui racontes tout, ça lui fait plaisir.
▬ Mam-gu ! Tu te précipites vers elles après avoir lâché ton rouleau sur le comptoir. Beth wyt ti'n ddweud wrth Allie? Onid ydych chi eisiau mynd i helpu taid yn lle?
Tu attrapes gentiment ta grand-mère par les épaules avant qu'elle ait eu le temps de dire quoi que ce soit d'autre pour l'envoyer vers ton grand-père, non sans lancer un regard plein d’excuses à Allison vers qui tu te diriges ensuite.
▬ Salut ! Tu passes une main dans tes cheveux et te gratte un peu la nuque, un air gêné sur le visage. Je vois que t’as déjà fait connaissance avec ma Mam-gu.
Avec tout ce qui se passe, t’as pas vraiment pris le temps de te soucier de la situation en elle-même. Allison, ta famille, ta famille à qui tu racontes tout, y compris qu’une jolie petite blonde vient te voir régulièrement, petite blonde qui est en face de toi. Et c’est là que tu remercies le ciel que ta délicieuse mamie ne parle pas un mot d’anglais, même si ça ne change en rien au rouge qui vient s’installer sur tes joues.
▬ J’espère qu’elle t’a pas trop embêtée…