Une voix féminine s’élève, sans te laisser le temps de t’imprégner du sens de ses mots, tu ouvres la porte sans plus tarder. C’est que les histoires que cette dame, d’un autre siècle, aura à raconter peuvent s’avérer diablement croustillantes. Il te semble te rappeler de quelques éléments troublants dans le rapport médico-légal établi à l’admission de Mlle Aslainding. Tu ne l’as que survoler, aussi, tu ne sauras pas remettre exactement quels en étaient les détails exacts, mais tu as la principale concernée à portée de main, pourquoi s’embêter ?
Inquisiteur, avide de réponse, tu découvres ta congénère recroquevillée contre le montant de son lit, comme si s’étendre sur l’ensemble du lit lui ayant été attribué aurait constitué un crime de lèse-majesté. Un instant, elle vous toise. Si d’abord, le regard qu’elle t’accorde semble chargé d’espoir. Pique planté comme tu l’es, face à elle, elle se ravise rapidement apparemment… Contrariée ? Ça n’est pas nécessairement pour te déplaire, tu préfères bien plus lire les sentiments de tes interlocuteurs sur leurs faces.
C’est ce qui participe à ton si grand désamour de tes semblables, tu accueilles le choix de la sincérité de la vampire avec joie, jusqu’à ce que tu découvres le jugement que réservent ses prunelles à ton collègue. Pourquoi te donne-t-elle l’impression de lui faire les yeux doux ? Dans un sourire sous-tendu d’ironie, te paraît-il, elle vous questionne sur votre présence à tous les deux. Heureusement, le taiseux de service prend le relais avec la charmeuse de cabots. On assiste à un vrai miracle.
Avec un manque d’originalité affligeant, l’agent Hawkins tient à se présenter en bonne et due forme, lui et toi. Après une pause, il s’enquiert de savoir si la jeune femme de l’époque se rappelait bien de ce qu’était le BUR, si elle comprenait l’objet de votre visite. Quel ennui.. Ne comprend-il rien à la situation ? La bougresse vient de se réveiller, la Terre a été nucléarisée à plusieurs reprises dans son sommeil, l’émergence des médiums de communication moderne a changé la face du monde, assez pour que toi-même, tu n’arrives pas à te mettre à la page et il lui demande si elle se rappelle ce que l’on représente…
Tu lèves les yeux au ciel avant de rompre le nœud de tes bras contre ta poitrine pour t’approcher du lit de ta plus jeune congénère - au moins en esprit. « Si nous sommes ici, c’est que l’hôpital vous a reconnu capable de tenir un entretien avec nous, ça n’est peut-être pas votre avis sur la question. » Tu prends place sur un fauteuil attenant au perchoir de la donzelle. « Comment vous sentez-vous ? » Tu lui adresses un visage visiblement emprunt d’inquiétude, loin d’être ravageante, celle-ci se veut tout de même sincère. « N’hésitez pas à prendre tout le temps de monde si vous ne vous sentez pas prête à discuter de votre situation dans l’immédiat. Nous pourrions repasser plus tard. Demain, la semaine prochaine ou même dans un mois. Pour une affaire d’il y a plus de cent ans, ce n’est pas ça qui fera grande différence. »
Tu déblatères ton laïus, sans même te soucier de si la personne à tes côtés était bien au courant de la période exacte de temps qui s’était écoulé depuis son endormissement. L’information te semble d’un banal, maintenant que tu l’as intégrée, tu n’as d’yeux que pour la suite en réalité. Quand ? Où ? Qui ? Comment, mais surtout pourquoi ? Un grand sourire accroché aux lèvres, bienheureux que tu es, tu lui tends une main rassurante que tu entendrais saisir la sienne, délicatement, si la demoiselle n’y était pas opposée.